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Famille de Marie, de l'abus à la liberté. Témoignage

Famille de Marie, de l'abus à la liberté. Témoignage

ROME-ADISTA. Une première phase de "love bombing", une vie communautaire engagée, une confiance dans le supérieur, unique voix de la volonté de Dieu, qui devient obéissance aveugle, docilité absolue et engagement à repousser ses limites, jusqu'à effacer et oublier peu à peu, sans s'en rendre compte, ce que l’on est : aspirations propres, besoins, affections, liberté personnelle. Jusqu'à ce que le corps et le psychisme se révoltent et que l'effondrement fasse prendre conscience que ce n'est ni de Dieu ni de la sanctification que l'on s'est approché, mais d’une fracture, d’un épuisement. Un moment de crise qui ouvre la porte, si l'on a de la chance ou si l'on cherche une aide extérieure, à une prise de conscience libératrice.

C'est l'histoire partagée par de nombreux membres de communautés sujettes aux dérives sectaires, victimes d'abus psychiques et spirituels, dans laquelle nous retrouvons ce que nous ont raconté d’anciens membres de la Famille de Marie, une communauté à l'histoire à peine croyable dont nous rendons compte depuis un an dans une longue enquête : https://www.adista.it/articolo/69373 / https://www.adista.it/articolo/69488 / https://www.adista.it/articolo/69899

Depuis un an et demi, mise sous la tutelle totale par le Saint Siège, la Famille de Marie a été cofondée et dirigée pendant trente ans par le Père Gebhard Paul Maria Sigl. Il est aujourd'hui démis de ses fonctions pour abus psychiques et spirituels présumés, et fait l'objet d'une nouvelle enquête menée par le Dicastère pour le Clergé.

Nous allons vous partager le témoignage d’une personne, ancienne membre de cette communauté, qui en est sortie récemment après de très nombreuses années de vie en son sein. Elle souhaite rester anonyme. Son témoignage est un message de sensibilisation et d'espoir : il est possible de se reconstruire et de trouver un chemin de vie après une expérience d'abus psychologique et spirituel.

Adista : Vous êtes membre de la Famille de Marie depuis de nombreuses années. Que recherchiez-vous dans la vie religieuse et pourquoi avez-vous choisi cette communauté ?

Jeune, j'avais le désir de consacrer entièrement ma vie à la construction du Royaume de Dieu. C’était la chose la plus importante pour moi. Ce qui m'a impressionné dans la Famille de Marie, c'est sa profonde spiritualité et son travail missionnaire. Je considérais ces deux facteurs comme étant essentiels pour mener une vie profondément épanouie tournée vers le Seigneur.

Quel a été votre premier contact avec la Famille de Marie ? Comment avez-vous été accueillie ? La communauté correspondait-elle à vos attentes ? Quels sont les besoins humains fondamentaux auxquels la vie communautaire a répondu ?

J'ai connu la Famille de Marie lors d'un pèlerinage de jeunes auquel participaient quelques frères et femmes laïques de la communauté. Ils étaient jeunes, joyeux et très gentils. Quelques fois, ils me permettaient de prier le chapelet avec eux. Je n'avais jamais entendu de méditations du chapelet aussi profondes et engageantes. J'ai rejoint la communauté l'année suivante. J’ai été accueillie avec beaucoup d'affection. Tout le monde était heureux de ma décision. L'attention dont je faisais l’objet dépassait toutes mes espérances. C'était comme si j'avais trouvé une nouvelle famille à laquelle je me sentais appartenir, encore bien plus qu'à la mienne.

Comment se sont passés pour vous vos premiers temps dans la communauté ? Que pensiez-vous de vous-même au sein de la Famille de Marie ?

Je me suis sentie comme un poisson dans l'eau. J'ai absorbé comme une éponge la spiritualité qui nous était transmise. Toute ma vie semblait soudainement recontextualisée. J’ai découvert que la communauté était particulièrement orientée vers le renouveau de l'Église et qu'en tant que membre, j’étais privilégiée d’avoir une telle vocation. Il était important de tendre vers une sainteté toujours plus grande. À cette fin, aucun sacrifice n'était trop grand. On m’apprenait à tout faire pour devenir sainte, le plus tôt possible.

Comment étaient appréciées votre personnalité au sein de la communauté ? Quel était votre rapport avec le Père Gebhard Paul Maria Sigl ?

On m’a vite appris que mon bien-être n'était pas important. En fin de compte, tout tournait autour de la réalisation du royaume de Dieu et de son plan pour moi. J'ai appris cela grâce au supérieur de la communauté, le Père Gebhard Paul Maria Sigl, qui était aussi mon père spirituel. Comme tout le monde dans la Famille de Marie, je croyais fermement que Dieu parlait à travers lui. J'ai donc accepté docilement ce qu'il me disait. À l'époque, je ne me rendais pas compte qu'il abusait de ma liberté et que j’y perdais mon individualité.

Quel rôle le Père Gebhard Paul Maria Sigl jouait-il plus précisément dans votre rapport à Dieu au sein de la communauté ?

Comme je priais beaucoup, je croyais avoir une relation particulière avec Dieu. Cependant, j'avais complètement cessé de prêter attention à ma propre perception du monde et de Dieu. Je n'étais plus en relation avec moi-même. J'avais trop souvent entendu dire que les sentiments et les pensées pouvaient tromper et que je devais renoncer complètement à moi-même pour suivre les conseils des responsables. J'ai donc mis de côté mes propres désirs et besoins. Je n'ai fait que suivre ce que me disait mon père spirituel. Ce n'est que bien plus tard que j'ai appris, grâce aux exercices spirituels de Saint Ignace de Loyola, que c'était précisément le lien avec soi-même et ses propres sentiments qui importaient pour entendre la douce voix de Dieu dans son cœur. 

Quelle valeur accorde-t-on dans la communauté aux difficultés personnelles et aux doutes ?

On nous disait qu'il fallait se méfier du « monde » et que nous devions être reconnaissants de pouvoir vivre dans un environnement protégé. L'extérieur était le « mauvais » monde mis en opposition à notre « bonne » Famille de Marie. Cette vision en noir et blanc, a déformé ma perception du monde sans que je m'en rende compte. Ce n'est qu'après mon départ que j'ai vu qu'il y avait beaucoup de bonnes choses à l'extérieur, et qu'il y avait de graves abus au sein de la Famille de Marie. Nous devions offrir à Dieu notre douleur intérieure et même notre souffrance physique. Les difficultés personnelles et les doutes étaient généralement interprétés comme un « manque de dévotion » ou un « manque de confiance ». Ce n'est que bien des années plus tard que j'ai compris que de nombreuses difficultés intérieures provenaient du déni de nos besoins humains fondamentaux. Il m'a fallu beaucoup de temps pour comprendre et accepter que j'étais une victime, notamment de violences spirituelles.

Y a-t-il eu un moment où vous avez réalisé que vos besoins étaient manipulés ?

Il y a eu un moment en effet où je ne me sentais plus bien, ni mentalement, ni physiquement, et où j'ai traversé une grave crise. Cette crise était liée aux décisions prises par le Père Gebhard Paul Maria Sigl pour moi. Je me suis rendu compte que Dieu ne pouvait pas vouloir cela pour moi. C'est à ce moment-là que j'ai commencé à avoir mes premiers doutes sur le fait que Dieu parlait vraiment par l'intermédiaire du Père Gebhard Paul Maria Sigl.

Comment gériez-vous vos doutes ? Quels conseils donneriez-vous aujourd’hui aux membres avec le recul ?

Pour nos doutes et nos questions, nous n'avions qu'à nous adresser à notre directeur spirituel ou à la direction. Il n'était pas souhaitable de chercher un accompagnement extérieur, car « la communauté a tout ce qu'il faut » nous disait-on. Je recommande aux personnes qui se trouvent dans ce type de système de chercher un soutien professionnel à l’extérieur pour retrouver leur liberté intérieure.

Quels éléments de la vie communautaire vous posaient question ?

Grâce à mon travail de développement personnel, j'ai commencé à me demander pour la première fois ce que je voulais dans ma vie et ce qui était important pour moi en tant que personne. J'ai commencé à savoir m'affirmer, y compris vis-à-vis de mes supérieurs dans la Famille de Marie. Comme l'abnégation totale était considérée dans la communauté comme la voie royale vers la sainteté, j'ai rencontré à plusieurs reprises de fortes résistances à cause de ma nouvelle façon de me comporter. En même temps, je me rendais compte que Dieu m'avait créé comme une personne responsable d'elle-même et de sa vie. Cependant, au début, j'ai eu des doutes quant à savoir si le chemin que je choisissais était agréable aux yeux de Dieu. Ce n'est qu'avec le temps que j'ai acquis la certitude intérieure que je faisais le bon choix.

De quoi une personne a-t-elle besoin lorsqu'elle décide de prendre sa vie en main ?

La paix intérieure est devenue mon guide intérieur, m'indiquant la bonne direction dans toutes mes décisions. Le soutien de personnes extérieures à la Famille de Marie m’a également donné la force de poursuivre mon chemin avec assurance, malgré les nombreux obstacles.

En quoi vous êtes-vous sentie trahie ?

J'ai souffert que mon chemin vers la liberté intérieure ne soit pas compris par certains membres de la communauté. À leurs yeux, j'étais devenue infidèle à la spiritualité de la Famille de Marie. En même temps, je me sentais dans une relation plus vraie avec moi-même et avec Dieu. Auparavant, je pensais que Dieu n'était pas satisfait de moi si je ne respectais pas les prescriptions. Désormais, je pouvais croire que Dieu m'aimait inconditionnellement, quelles que soient mes « performances ».

Pourquoi vous a-t-il été si difficile de reconnaître et d'accepter au sein de la Famille de Marie que certaines attitudes et certains enseignements étaient déviants ? Quel rôle les supérieurs jouent-ils ?

Pendant longtemps, les enseignements spirituels qui m'ont été inculqués m'ont semblés si crédibles qu'il ne m'est jamais venu à l'esprit que quelque chose pouvait être faux. Nous n'avions pas d'autre littérature à notre disposition et n’étions pas en relation avec d'autres sensibilités spirituelles de la foi catholique. Il y avait  une réponse à tout. Les pièces du puzzle s'emboîtaient de telle sorte qu'une image cohérente émergeait. Si nous subissions des attaques extérieures, celles-ci étaient interprétées comme des tactiques de l'ennemi et des diffamations maléfiques qui voulaient nuire à la communauté. Par conséquent, toutes les critiques étaient renvoyées sans autre forme de procès. Ce n'est qu'après mon départ que j'ai entendu parler pour la première fois de manipulations et d'abus spirituel. J'ai reconnu exactement ce que j'avais vécu dans la communauté. J'ai réalisé que j'avais été abusée, notamment spirituellement. Je n'avais rien reconnu de cela pendant les nombreuses années où j'avais été dans le système. Il m'a fallu beaucoup de temps pour accepter cette prise de conscience et la profonde déception qui l'accompagnait. Même si les supérieurs n'en étaient pas conscients, ils manipulaient eux-mêmes les membres pour qu'ils les suivent. Ce n'est qu’après ma sortie que j'ai compris le lien de cause à effet existant entre les troubles psychiques et physiques de certains membres de la communauté dont j'avais entendu parler. J'ai réalisé à quel point ce système était dangereux.

Avez-vous été confrontée à des ambiguïtés ?

J'ai vécu l’ambivalence intérieure de manière très forte. D'un côté, la communauté était ma famille et je ne voulais pas la perdre.  Mon identité était complètement liée à la Famille de Marie et je m’étais convaincue d’y être à ma place, malgré toutes les difficultés. Partir aurait signifié me redéfinir complètement et faire un pas dans le vide. D'autre part, je sentais que je ne pouvais plus continuer mon chemin de vie dans cette communauté. La divergence entre la réalité et les injonctions de la communauté devenaient trop grandes pour que je puisse y rester. J'ai compris que je devais être fidèle à moi-même pour accomplir la volonté de Dieu pour ma vie. Il n'y avait donc pas d'autre choix pour moi que de partir.

Avez-vous eu peur de quitter la Famille de Marie ? Existe-t-il en son sein une forme de protection juridique et de sécurité sociale pour les membres ? Une forme de professionnalisation des membres qui leur permette de ne pas se retrouver sans rien?

Ma crainte de quitter la Famille de Marie était grande. S'une part, je ne connaissais pas la vie professionnelle et rien n'avait été versé au fonds de retraite au fil des ans me concernant. D'autre part, je me demandais comment les personnes qui me connaissaient réagiraient en apprenant mon départ. Ces obstacles m'ont parfois semblé presque insurmontables. Seule ma profonde confiance en Dieu m'a aidée à oser prendre un nouveau départ.

Comment s’est passée votre sortie de la Famille de Marie ? Aviez-vous peur du monde extérieur après tant d'années ?

Contre toute attente, j'ai trouvé beaucoup de bienveillance dans le « monde ». Personne ne m'a jugée. Au contraire. J'ai reçu beaucoup de soutien. J'ai toujours trouvé les bonnes personnes au bon moment, qui m'ont aidée à poursuivre mon chemin, pas à pas. Je me suis rendue compte que Dieu était à mes côtés et qu'il me guidait. Même si cela n'a pas été facile au début, je suis heureuse de cette décision libératrice. La vie continue. J'ai réalisé combien d'années de ma vie m'avaient été enlevées, combien j'avais manqué des étapes importantes de mon développement personnel que je devais maintenant rattraper. Le sentiment d'avoir été trahi m'a profondément blessé.

Après une telle expérience, est-il possible de construire une nouvelle vie ?

Je pense qu'il est important de ne pas rester seul face à ces expériences, de ne pas devenir amer à l'intérieur. Ce n'est que lorsque vous comprenez ce qui vous est arrivé que vous pouvez progressivement traiter ce que vous avez vécu et redevenir fidèle à vous-même. Même si la douleur et la déception demeurent, il est possible de vivre à nouveau une vie heureuse, épanouissante et pleine de sens.

 

Version originale de l'article en italien : https://www.adista.it/articolo/70933

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