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Etre ou ne pas être. Le combat pour la vie du père Engelbert Mveng

Etre ou ne pas être. Le combat pour la vie du père Engelbert Mveng

Pubblichiamo di seguito l'intervento in lingua originale "Etre ou ne pas être. Le combat pour la vie du Père Engelbert Mveng", redatto da padre Jean Rwakabuba Muka* in occasione della morte del grande teologo africano (22 aprile 1995).

A questo link la traduzione in italiano a cura di suor Teresina Caffi


Il y a vingt-cinq ans quittait cette terre des vivants le Père Engelbert Mveng dans des circonstances demeurées obscures jusqu’aujourd’hui. Historien, théologien, homme de lettres et homme de culture, Engelbert Mveng, prêtre de la première génération des jésuites camerounais, fut assassiné dans son domicile à Nkolafeme, au Cameroun, la nuit du 22 au 23 avril 1995. Faire mémoire de lui est un devoir de reconnaissance car il a été comme un météore dans l’univers scientifique africain. Sa lumière a brillé un instant mais elle a laissé une trace indélébile dans l’esprit et le déploiement du christianisme africain. En effet, c’est un des pionniers de ce qu’on appelle avec fierté aujourd’hui la théologie africaine. Elu secrétaire général de l’Association Œcuménique des Théologiens Africains, il luttera aux côtés de ses pairs théologiens pour un concile africain. Malheureusement, au lieu d’un concile, l’idée accoucha plutôt d’un synode, le premier Synode africain de 1994. Il a témoigné d’une vie humaine, intellectuelle et chrétienne unifiée autour d’une certaine idée qu’il se faisait de cette terre nourricière et d’espérance, l’Afrique. Il en était si passionné que toute sa vie fut un combat pour son émancipation.

C’est ce combat que nous tenons à présenter aux éventuels lecteurs. Il sera décortiqué sur deux pôles : ecclésiologique et anthropologique. Il aurait été heureux de le présenter également sous le pôle historique. Nous pensons en faire une présentation dans une réflexion ultérieure.

1. Pour un christianisme à visage africain

Dans ses écrits et conférences théologiques, E. Mveng a milité pour une alliance réussie entre le christianisme et la culture africaine. Cette lutte s’inscrit dans la logique amorcée par les théologiens africains depuis qu’ils avaient publié Des prêtres noirs s’interrogent en 1956 aux éditions du Cerf sous la direction de Présence Africaine. Dans l’introduction, les auteurs présentent leur combat en ces termes: «On a assez longtemps pensé nos problèmes pour nous, sans nous et malgré nous. Il est temps que les noirs aient droit au chapitre» (Cette citation est faite de mémoire et peut donc souffrir de certaines insuffisances). C’est dire qu’ils pensent que le temps est arrivé pour les noirs de dire ce qu’ils pensent du Christ chez eux. Il est temps d’«indigéniser » le christianisme. Malgré les oppositions paranoïaques des théologiens occidentaux, le Pape Paul VI à Kampala va beaucoup les stimuler encore dans ce combat. Dans son discours le saint Père dit : «L’expression, c’est-à-dire le langage, la façon de manifester l’unique foi, peut être multiple et par conséquent originale, conforme à la langue, au style, au tempérament, au génie, à la culture de qui professe cette unique foi. Sous cet aspect, un pluralisme est légitime, même souhaitable (…). En ce sens, vous pouvez et vous devez avoir un christianisme africain».

Certains théologiens occidentaux traitèrent les revendications de ces jeunes prêtres d’arrogance, d’ingratitude et d’aventure ambigüe. En effet, convaincus de l’infériorité ontologique et culturelle des nègres, ils niaient toute possibilité de dire adéquatement Dieu dans les schèmes de pensée africains. Cette conviction fut exprimée publiquement dans un débat théologique demeuré historique à Lovanium en 1960 qui opposait d’un côté le doyen des étudiants Tharcisse Thsibangu et de l’autre le Recteur de l’université, le chanoine Vanneste. Ce dernier clame haut et fort que la théologie est une science et, en tant que telle, ne peut qu’être universelle. Il n’est donc pas question de la particulariser sous peine d’édulcorer la pureté originale et divine de la vérité révélée.

Les théologiens africains ne pouvaient accepter une telle assertion tellement ils étaient convaincus qu’il était temps de poser le problème du sens et de la spécificité du christianisme considéré comme religion historique et révélée. Il est temps pour les africains d’assumer la responsabilité de doctrine et de témoignage qui est la leur au milieu de leurs frères. A l’entendement des théologiens africains, ce qu’en fait les européens appellent universalité de la théologie n’est ni plus ni moins qu’une « évidente européanisation de la religion de Jésus Christ».

C’est au cœur de ce débat et contre ce monopole des approches intellectualistes de la Révélation chrétienne que la voix du P. E. Mveng s’élève avec autorité. Il croit que cette vision hégémoniste occidentale étouffe la réflexion africaine en gestation et empêche une réelle appropriation du christianisme par l’Afrique. Comment le Christ peut-il être un de nous alors qu’il nous arrive sous des lunettes de mépris?

E. Mveng puise ses arguments contre les théologiens occidentaux dans l’histoire même du christianisme. Celui-ci est né en Asie et s’est originellement exprimé dans les catégories mentales de la culture hébraïque. Par souci d’appropriation, les occidentaux ont substitué les schèmes de pensée hébraïques avec ceux gréco-germaniques sans pour autant faire perdre au message évangélique sa vigueur et sa vivacité. Si cela a été possible pour l’occident, il reste clair que même les schèmes de pensée occidentaux à travers lesquels le christianisme est parvenu à l’Afrique peuvent être remplacés par d’autres catégories mentales et surtout que les constructions occidentales ne sont ni évangéliques ni universelles. La foi chrétienne est universelle, c’est vrai, mais ses expressions culturelles sont, elles, diversifiées et particulières.

Toute culture est capable du Dieu de Jésus Christ et chaque langue peut le dire. L’expérience des auditeurs des apôtres à la pentecôte en est un exemple éloquent. Ces premiers entendaient ces derniers dire les merveilles de Dieu dans leurs langues (Cf. Ac 2, 8). De plus, le christianisme est parvenu à l’Afrique divinisé en plusieurs confessions ecclésiales (anglicans, luthériens, calvinistes, romains...) Laquelle serait la norme de référence pour cette théologie universelle?

Eu égard à ce qui précède, E. Mveng va affirmer que la théologie africaine est possible et elle doit exister. Elle doit s’inspirer des expériences des autres pour demeurer ouverte à l’universel : le Christ et son message. Cette victoire sera remportée le 09 avril 1985 lorsque le saint Pape Jean Paul II reconnut officiellement l’existence de la théologie africaine. La question est de savoir pourquoi les occidentaux se sont-ils obstinés à refuser une évidence ? La réponse à cette question est donnée par E. Mveng dans son livre L’Afrique dans l’Eglise. Paroles d’un croyant publié en 1985 et constitue son deuxième combat.

2. Pour une anthropologie de la vie

Si l’occident s’est obstiné à refuser à l’Afrique la possibilité de dire Dieu dans ses configurations mentales, la réponse est à chercher dans la négation radicale de l’humanité aux noirs. Depuis longtemps, l’Occident a toujours manifesté dans ses pratiques (traite négrière, colonisation, évangélisation propagandiste) une volonté d’annihiler et de paupériser l’homme noir. Il le dit en ces termes : « la Traite des noirs représente notre annihilation anthropologique. Ce n’est pas seulement la négation de ce qu’on appelle aujourd’hui droits de l’homme. C’est la négation pure et simple de notre humanité» (E. Mveng, L’Afrique dans l’Eglise. Paroles d’un croyant, Paris, 1986, p. 205).

Dans une telle Eglise hégémonique, quelle peut être la place de l’Afrique? Au regard de l’expérience concrète de la vie en Afrique, on répondrait par aucune. Un préjugé fort pèse sur le nègre: «il est sans âme». Au nom de ce préjugé, il a été vendu comme une bête de somme dans le fameux commerce triangulaire. Au cours de l’histoire, l’Afrique a subi des injustices de la part de l’Occident et qui l’ont atteinte dans sa dimension la plus profonde, à savoir l’être africain, avec la volonté manifeste de l’annihiler. L’africain a perdu tout ce qui faisait de lui un humain. C’est ce qu’E. Mveng appelle la paupérisation anthropologique de l’Afrique, expression rendu diversement par celle de pauvreté anthropologique de l’Afrique. Il écrit: «La mission et la colonisation, vues sous l’angle philanthropique, ont été finalement des agents de la paupérisation anthropologique de l’homme africain. Cela veut dire que leur objectif dernier était de protéger l’homme noir, afin de le maintenir dans un état d’infériorité et de dépendance absolues. L’assimilation elle-même, qui abolissait notre identité et notre droit à la différence, était une des formes extrêmes de paupérisation anthropologique».

Par paupérisation anthropologique, il faut entendre un dépérissement des peuples africains dû à la colonisation. Celle-ci a provoqué une perte d’identité, un affaiblissement de la créativité; elle a brisé sans ménagement aucun la vie et l’organisation tribales et détruit les valeurs indigènes, les croyances religieuses et la culture traditionnelle. Les conséquences de cette sauvagerie sont loin d’être effacées. Plutôt que de panser les plaies béantes évoquées par E. Mveng, l’Occident continue d’entretenir ces conséquences par un néo-colonialisme économique, stratégique et culturel. Dans une œuvre posthume, cette pauvreté anthropologique est présentée comme une dépersonnalisation, un dépouillement sans nom de l’africain de ce qui fait de lui un humain : son être, son identité, son avoir, son travail et sa culture. Elle a consisté en une réduction en état d’indigence et de misère qui le rend incapable de liberté et de volonté. Elle est une «transgression de l’être africain».

Dans une telle situation, Mveng cherche la solution dans le marxisme. S’insurgeant contre la pauvreté économique et sociale dont souffrent les prolétaires, Karl Marx préconise la révolte comme solution. Il est, en effet, convaincu que comme le prolétaire est le moteur de l’histoire alors il détient «la clé de son salut et de sa libération». Vue sous cet angle, la mission de l’Eglise en Afrique devient évidente : réveiller les pauvres et les mettre face à leur responsabilité dans la réalisation de leur salut. L’Eglise d’Afrique est appelée à ne pas reproduire les erreurs de l’Église des siècles précédents : se ranger honteusement du côté des puissants. L’Église en Afrique doit «aller au-delà d’une philanthropie paternaliste et oppressive» qui ne fait qu’aggraver le mal de la dépendance et de l’asservissement. Avec le paternalisme, les Noirs sont constamment soumis «à la mort de leur âme, de leur culture, de leur identité».

Afin de jouer pleinement ce rôle, l’Eglise d’Afrique doit revenir aux sources de sa tradition qui met au-dessus de tout la vie. Le Muntu est essentiellement vie. Le christianisme africain doit aider à comprendre ce qu’est cette vie, son déploiement et ses interpellations. La tradition africaine est convaincue que la vie est reçue et transmise ; elle est cosmique et holiste. En aucun cas l’africain peut se concevoir comme un être isolé ; il n’est ni une monade ni un salaud sartrien. Il est essentiellement un être avec et pour les autres. L’africain est communauté. Son salut ne peut se concevoir qu’avec et par les autres. C’est pourquoi Mveng dira: «Se sauver, c’est sauver le monde!» . Et se sauver c’est passer, selon l’intuition de Gaston Fessard, par la communion et la communication : l’homme monade est appelé à se découvrir dyade, triade et foule. C’est pourquoi E. Mveng soutient que «le moteur de la créativité humaine n’est pas la raison, mais l’Amour au sens africain du mot».

Redécouvrir la vie comme source de l’humanité africaine permet de ne pas céder à la fatalité. L’Eglise d’Afrique doit lutter car la victoire de la vie sur la mort est certaine. Son credo se traduirait ainsi : la vie se personnalise en l’homme par la conquête du droit à l’existence. La vocation humaine est là, dans la lutte dont le but est d’assurer le triomphe de la vie sur la mort. Les initiations à la vie des différentes cultures d’Afrique ont cet objectif : faire de l’individu un lutteur pour faire triompher la vie. Dans la vie courante, quand une personne n’arrive pas à faire triompher la vie, elle est considérée par la société comme un projet raté. Il n’y a pas d’autre passage pour accéder pleinement à la communauté humaine : il faut lutter, conquérir sa personne. Ceci ne rappelle-t-il pas le philosophe allemand Hegel qui fait de la lutte pour la reconnaissance le moteur de l’histoire et des relations interpersonnelles et interétatiques ? Chez Hegel, renoncer à la lutte c’est se condamner à l’esclavage. De même chez Mveng, ne pas lutter c’est se rendre indigne de la vie: «Devant la merveille de son propre avènement, l’homme n’a qu’un choix : s’accepter ou se refuser». Une pensée qui rappelle le célèbre écrivain anglais William Shakespeare (W. Shakespeare, Hamlet, 3, 1.) qui a dit: to be or not be. That’s the question. Vivre c’est lutter.

C’est cela l’anthropologie de la vie : elle n’est pas une négation de la mort mais un surgissement de soi de sa propre mort. Elle trouve son fondement dans l’Egypte pharaonique. D’après ses recherches historiques, Mveng affirme que l’Egypte a eu la plus ancienne et la seule religion où l’on croyait à la victoire de la vie sur la mort. En puisant à cette spiritualité de la vie, l’Afrique s’affranchira de la mort, de la haine et de la servitude. Capitalisée, cette spiritualité de la vie fait de lui un contestataire et un prophète. En prenant cette voie, le théologien africain devra comprendre qu’il s’expose à la mort mais il n’y a pas d’autre choix pour se libérer : être ou ne pas être. E. Mveng payera de sa vie ce dur combat. Il a tracé la voie à ceux qui suivront sa route.

Conclusion

Comme nous pouvons le constater à travers ces quelques lignes, le combat d’E. Mveng est un combat pour la vie. Il tenait à recentrer l’homme africain sur sa responsabilité devant l’histoire et faire de lui un coopérateur de Dieu dans la réalisation de son salut. Cette prise de conscience n’est possible que s’il réussit à s’approprier les valeurs évangéliques, à se sentir chez lui dans l’Eglise et ainsi ne plus voir le christianisme comme une réalité exogène. L’anthropologie de la vie immanente de Mveng est aussi sociale et cosmique. Elle embrasse tout africain et tout l’africain.

Un fait est vrai : la colonisation l’a blessé et atteint au point le plus névralgique de son être à savoir l’amour - en Afrique, aimer c’est vivre. Amour est alors un désir très fort qui tire l’homme vers l’accomplissement de soi à ne pas confonde avec la passion qui est un désir romantique qui va jusqu’à la fusion des corps et l’exclusivité comme horizons derniers - au sens africain du terme comme ne cessait de le clamer Mveng mais rien n’est perdu. Tout peut renaitre des cendres. La vie triomphe de la mort, l’Amour s’affirmera. Mveng a lancé ainsi les bases d’une alliance réussie entre le christianisme et les cultures africaines. En partant des sources de la vie, le christianisme respectera ce qu’il y a de plus profond dans l’âme africaine et à son tour, l’Afrique verra dans le christianisme une chance plutôt qu’une menace.

Ce combat est loin d’être gagné. Certes, il ya des petites victoires sont comme la reconnaissance de l’existence d’un penser théologique propre à l’Afrique, un effort croissant d’inculturation liturgique, artistique, religieuse, des lectures africaines de la Bible… Mais beaucoup reste à faire. L’Afrique doit continuer à évangéliser ses cultures. Cette évangélisation de la culture visera une communication adéquate entre Dieu et l’Afrique. La source de ce dialogue sera évidemment la Bible comprise comme parole vivante de Dieu, une parole adressée à des africains dans leurs situations concrètes comme jadis elle fut communiquée aux occidentaux et aux asiatiques de tous les temps. Heureusement que l’Eglise a reconnu qu’il n’y a ni culture ni langue sacrée. Chaque culture et chaque langue est capable de Dieu et de le dire adéquatement. L’Afrique n’a plus à souffrir d’aucun complexe. Les théologiens africains sont appelés à trouver dans les représentations culturelles, artistiques et sociologiques de l’Afrique un langage pour dire Dieu à leurs contemporains. C’est la seule voie qui rend possible l’incarnation du Fils de Dieu en Afrique. Et le Verbe s’est fait chair et il est devenu africain.

* crsp, curé de la paroisse de Giheke au Rwanda

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